Terrorisme appel pour un musée du souvenir à Nice

Par la voix de deux victimes, Anne Murris et Cindy Pellegrini, l’association appelle à édifier à Nice un « musée du souvenir », afin d’honorer la mémoire des 86 tués, et de sensibiliser les futures générations.
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Dans leur indicible souffrance, elles puisent une énergie vitale. De leur drame personnel, elles tirent des motifs d’espoir. Anne Murris et Cindy Pellegrini sont deux visages des victimes de l’attentat de Nice. Elles portent le nouveau projet de l’association Promenade des Anges – 14 juillet 2016. Un projet ambitieux. Mais nécessaire à leurs yeux. Outre la stèle-mémorial qui sera érigée sur la Prom’, l’association souhaite voir édifier un « musée du souvenir ».

Pour ne jamais oublier. Mais aussi pour sensibiliser les générations futures. Elle a lancé une pétition en ligne (2.600 signatures recueillies à ce jour). Et un appel. Un cri du cœur, plutôt, lancé d’une même voix par Anne et Cindy.

LE CONCEPT

Le 14 juillet 2016, Cindy Pellegrini, 34 ans, a perdu six membres de sa famille, venue de Gattières. C’est elle qui a porté la voix des victimes, le 15 octobre, lors de l’hommage national rendu à Nice. Depuis le drame qui a changé sa vie, elle repense à la passion que Michaël, son frère chéri, éprouvait pour New York.

« Le 11-Septembre l’avait bouleversé. Pour ses 20 ans, il avait découvert cette ville chère à son cœur, et visité le mémorial près de Ground zero. À son retour, il m’a dit : « C’est beau de voir qu’on n’oublie pas ce qui s’est passé… »«  Alors Cindy s’en est inspirée, pour imaginer un musée du même type à Nice. « Je vais me battre pour ce projet! »

Anne Murris, Niçoise de 56 ans, a perdu sa fille Camille, 27 ans. Elle est la trésorière de l’association Promenade des Anges. Elle se souvient de l’émotion de sa fille rentrant d’Argentine, où elle avait visité un musée dédié aux victimes d’une autre tragédie.

« Je n’ai jamais vu de musée aussi beau », lui avait confié Camille. Quand Cindy a suggéré l’idée d’un musée du souvenir à Nice, Anne a adhéré aussitôt. À ses yeux, ce musée est « une évidence ». « Ce serait à la fois notre lieu de mémoire pour nos disparus, et un message d’espoir pour ceux qui restent. Un hymne à la vie. »

 

L’HOMMAGE

Une galerie de 86 portraits. À l’instar du « mémorial » consacré par Le Monde aux 86 tués du 14-Juillet. Telle serait la pierre angulaire de ce musée du souvenir, explique Anne Murris. « Un espace avec des photos, des descriptions, des vidéos, voire des casques diffusant une musique associée à chaque victime. Un lieu de projection du vivant. »

Une table interactive ferait office de livre d’or, permettant au visiteur d’y laisser un message. « C’est important pour tout le monde : la personne qui reçoit le message, mais aussi celle qui le dépose, insiste Anne Murris. Il faut en faire un espace participatif de la population et pas seulement niçoise. »

Dans cet esprit, une autre salle recevrait les milliers de messages, dessins, peluches et objets divers déposés au kiosque des jardins Albert-Ier. Tous ont été transférés au service des archives Nice-Côte d’Azur, à Saint-Laurent-du-Var. « La polémique que cela a suscité montre combien les Niçois y sont attachés. Ce musée serait l’occasion pour eux de prolonger ce devoir de mémoire », estime Cindy Pellegrini, reconnaissante de l’extraordinaire élan de soutien qui l’a portée.

LE MESSAGE

Regarder le passé pour mieux préparer l’avenir. C’est l’autre axe fort du musée pensé par Anne et Cindy. Une salle y serait consacrée aux dangers de la radicalisation et du terrorisme, sous forme d’un « parcours civique et citoyen ». À travers des tableaux interactifs, Anne Murris souhaite que cet espace suscite « un choc, une prise de conscience » auprès d’élèves amenés à y venir avec leur classe.

Camille Murris, en tant qu’élève méritante, avait participé au premier « voyage de la mémoire » organisé à Auschwitz par le Département des Alpes-Maritimes. « Elle en était rentrée bouleversée », témoigne Anne. Mère endeuillée, elle sait l’importance de sensibiliser les nouvelles générations aux dangers actuels. Cindy évoque « une guerre », Anne, « un moment charnière de notre histoire ». Elle ajoute: « Il n’existe pas de lieu d’échange sur le terrorisme en France. Ce musée pourrait servir de centre d’études et devenir une référence en Europe. Notre ville a tout à y gagner! »

L’EMPLACEMENT

Où ériger un tel édifice ? Pour ses partisans, une condition: la proximité avec la Prom’ et la future stèle commémorative. Le choix le plus évident se porte vers le kiosque, « soit à côté, soit en l’incluant dans le musée », précise Anne Murris. Et de suggérer une autre idée, particulièrement ambitieuse : reconstruire la Jetée Promenade, en face du casino Ruhl. « Ce serait un peu notre statue de la LibertéLes troupes allemandes l’ont détruite en 1944. Et bien nous, nous vivons une forme de guerre, mais nous construisons! »

LA REALISATION

Quel coût induirait un tel musée ? Comment le financer ? Avec qui ? Cindy et Anne le savent bien: toute leur énergie, toute leur légitimité ne suffiront pas. À ce stade, ni l’État, ni la ville de Nice ne se sont ouvertement engagés dans cette délicate aventure. « Nous avons décidé de faire appel à des mécènes privés. Et la Fondation de France va nous aider à budgétiser tout cela », prévient Cindy Pellegrini. Le rectorat, l’association Entr’autres, le philosophe Abdennour Bidar ou le député Sébastien Pietrasanta ont déjà fait part de leur soutien.

La jeune femme le sait : il s’agit là d’un combat de longue haleine, potentiellement semé d’embûches. « Mais mener ces combats nous porte. Ce n’est pas « on peut le faire », c’est « on doit ! »insiste-t-elle. Pour moi qui ai perdu toute ma famille, c’est un processus de survie. Si on les oublie, on les tue une deuxième fois ! Ils ne méritent pas ça. »

 

 

 

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