Monsieur ou Madame le futur Président,
Soyez certain que je ne vous ai pas encore choisi parmi les onze candidats à cette élection. Comme beaucoup de Français, je cherche encore le visage de celui ou de celle qui verra son nom tomber dans l’urne le 23 Avril prochain. Monsieur ou Madame le futur Président, je tiens à ce que vous me lisiez comme ce que je suis : un indécis parmi tant d’autres.
La constitution de la cinquième République me semble être un bon point de départ pour orienter mon vote. Elle indique que vous souhaitez devenir le garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire français. Vous désirez donc endosser d’immenses responsabilités à la tête d’un pays qui, selon toute vraisemblance, éprouve de grandes difficultés à trouver une orientation salutaire aujourd’hui. J’en déduis donc que vous savez plus que n’importe qui ce que signifie être un citoyen français digne de ce nom en 2017. Vous devez sans doute connaître et même ressentir, les craintes et les doutes qui peuvent frapper l’une des nations les plus vieilles du monde à la veille de cette élection si importante. C’est en tous cas pour cela que je vous écris aujourd’hui, pour me redonner envie d’être le citoyen français que je pourrais être.
Je ne cherche pas à vous interpeller parce que vous êtes sous le feu des projecteurs en ce moment, je le fais parce que vous êtes mon seul véritable espoir de me ressentir à nouveau un citoyen français à part entière. Ma flamme républicaine s’est éteinte dans un éclat de douleur le 14 Juillet dernier. Monsieur ou Madame le futur Président, je porterai ma peine jusqu’à mon dernier jour, mais je souhaiterais avant cela qu’elle serve à mon pays.
Depuis 1880, nous avons fait du 14 Juillet la Fête Nationale célébrée par un peuple et son Président, tous unis autour de la France. À Paris, vos prédécesseurs ont paradé sur les Champs Elysées à en user la chaussée, exhibant la puissance militaire d’une armée prête à défendre les principes fondateurs de la République. Les drapeaux bleu/banc/rouge ont fièrement flotté dans l’air, accompagnés par des mots plein de sens, liberté/égalité/fraternité.
Le 14 Juillet 2016, la cérémonie a bien eu lieu sur la grande avenue de la capitale. Le Président pouvait avoir la tête haute devant les défenseurs d’une idée aussi belle que la France. Quelques heures plus tard, un camion fou tuait 86 personnes venues voir un feu d’artifice entre amis et en famille. Des pères, des mères, des conjoints et des enfants ont perdu en un instant ce qu’ils avaient de plus chère. Depuis, je ne vois mon appartenance à la citoyenneté française qu’à travers un rideau de douleur. Ma blessure est celle d’un pays.
Monsieur ou Madame le futur Président, vous savez comme moi que les symboles de la République ont été percutés de plein fouet par l’attentat survenu l’été dernier. Mon incapacité à endosser ma citoyenneté n’en est qu’une expression parmi tant d’autres. Serez-vous en mesure de célébrer le 14 juillet 2017 comme si de rien n’était ? Si vous lisez cette lettre avec attention tout en restant fidèle au grands principes de notre pays et au rôle que vous convoitez, je sais déjà que vous en serez incapable.
Le 14 Juillet 1790, les fêtes des fédérations ont fleuri un peu partout dans le pays, de manière spontanée. Pendant des décennies, les citoyens français ont naturellement célébré la prise de la Bastille, fiers de ceux qui avaient porté de si beaux principes pour reconstituer l’ADN d’un pays. La République s’exprimait alors au delà des grandes avenues parisiennes, puisqu’elle raisonnait dans tous les foyers, sans différence de traitement.
Monsieur ou Madame le futur Président, vous savez que ceux qui figent l’écriture de l’histoire au seuls respects des coutumes ne sont pas à la hauteur de la France, un grand pays qui sait se réinventer quand l’époque le demande. Alors, je vous en conjure, faîtes-moi une promesse que vous tiendrez si vous êtes élu.
Le 14 Juillet prochain, je vous invite à descendre de Paris et à me rejoindre moi et les proches de ceux qui portent chaque jour le deuil de nos concitoyens tués, ceux qui portent chaque jour des blessures visibles et invisibles.
Monsieur ou Madame le futur Président, vous savez comme moi que notre République est en manque cruel de repères et de symboles. Montrez-nous que vous comprenez l’esprit qui a animé les fêtes des fédérations et que vous savez qu’il est urgent de le retrouver. En prêtant attention aux doutes d’un citoyen blessé, meurtri, c’est à tout un peuple que vous ferez un signe fort de solidarité et de bienveillance nationale.
Madame ou Monsieur le futur Président je vous demande de faire, ce 14 juillet 2017, de notre ville, la capitale des français. Une révérence doit nous être réservée.
Marek