« Je me suis de nouveau sentie victime. Vidée. Se sentir spolié de son travail, je l’ai ressenti comme un coup de massue! »
Les mots sont forts. Surtout venant d’Anne Murris, mère de Camille, l’une des 86 victimes qui ont succombé à l’attentat de Nice. Présidente de l’association Mémorial des Anges, elle se bat depuis pour porter des projets résolument positifs, en réponse à l’obscurantisme assassin.
Alors, quand Emmanuel Macron annonce la mise en chantier d’un musée-mémorial pour les victimes du terrorisme, on pourrait penser qu’Anne Murris va s’en réjouir. Il n’en est rien.
Le président de la République a fait cette annonce mercredi dernier, aux Invalides, lors de la journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme.
Il a suivi les préconisations du comité mémoriel créé six mois plus tôt. « J’y ai retrouvé l’essence de notre projet. C’est flatteur… sans être flatteur, grimace Anne Murris. D’un côté, cela prouve qu’on a eu raison de se battre. Mais de l’autre, cela enlève du sens. »
Du « mémorial-musée » au « musée-mémorial« , aucun doute: les intellectuels parisiens ont repris l’idée portée depuis janvier 2017 par Anne Murris et Cindy Pellegrini, autre porte-voix des victimes du 14-Juillet.
Problème: le comité préconise d’installer ce musée à Paris. Plus précisément sur l’île de la Cité. Bien loin de Nice, où était souhaité le musée. D’où la colère d’Anne Murris.
Alors elle persiste et signe: ce musée doit voir le jour à Nice. « Ce mémorial a toute sa légitimité dans le bassin méditerranéen, dans une région terroir de radicalisation, zone de passage des djihadistes. Notre avons inventé ce projet de toutes pièces… Et il a été copié! »
Avant même le discours d’Emmanuel Macron, Anne Murris a remué ciel et terre.
Elle s’est assurée du soutien des présidents des fédérations nationales d’aide aux victimes (AFVT, Fenvac). Du soutien de la ville de Nice, aussi – Christian Estrosi a fait acte de candidature pour y accueillir le musée.
Anne Murris a fait part de sa colère à la garde des Sceaux. à la déléguée interministérielle à l’aide aux victimes. Et même au couple Macron. « Ils ont tous bien compris qu’on n’était pas contents. Alors, avec le peu de force qui me reste, je vais soulever des montagnes pour essayer de porter ce musée sur Nice. »
Cette victime niçoise s’insurge de voir le projet confié à des intellectuels parisiens. « On a l’impression que seul ce qui s’est passé à Paris est important. Et ça, c’est blessant. Nous ne sommes pas des Français de deuxième catégorie! On est tous acteurs de cette reconstruction. Il n’y a pas que les Parisiens. Nous aussi, on sait faire… »