Monsieur le Président, le Musée-Mémorial doit être à Nice

Le Mémorial-Musée, rebaptisé en l’espèce par le comité mémoriel parisien Musée-Mémorial (sic) a été imaginé dès janvier 2017 par des personnes issues de la société civile personnellement touchées par l’attentat du 14 juillet 2016. Se faire intégralement spolier nos projets dont le sens est dénaturé lorsqu’ils sont portés hors de la ville où ils ont pris racine, c’en est trop pour nous, familles des victimes !
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Le 19 septembre, aux Invalides, le Président de la République a annoncé la création d’un Musée-mémorial pour les victimes du terrorisme. Le Comité mémoriel a proposé de l’édifier sur Paris. Les membres fondateurs de l’association Mémorial des Anges qui travaillent depuis plus de 18 mois sur ce projet contestent cette localisation.

Pour le Musée-mémorial à Nice

Du haut de ses grandes instances, de son dynamisme envié et de sa science de la mode, la capitale regarde trop souvent le reste du pays comme une fantaisie subalterne à sa formidable réussite. Paris s’imagine être la France. La province, périphérie des étoiles, doit s’estimer heureuse de siéger aux secondes loges. Ce déséquilibre, les Français le connaissent et parviennent à en plaisanter.

Seulement voilà, Paris ne fait pas que briller plus que ses cadettes, elle s’accapare aussi leurs projets, quitte à les rendre orphelines des idées qu’elles voulaient offrir à leur pays. Dans bien des cas, la Ville-lumière se croit tout permis. Sauf que certaines choses ne se font pas. Lorsqu’il s’agit de la Mémoire des martyrs de la Liberté, le sens de la dérision des provinciaux trouve ses limites. Les Niçois, touchés en plein cœur le 14 juillet 2016 par un acte terroriste, ont très rapidement voulu mettre leur émotion au service d’une noble cause. Panser les blessures et commémorer l’événement d’abord, mais envisager et proposer un avenir plus sain et serein ensuite. Les victimes ont compris l’enjeu que représentaient les lendemains de telles abominations sans faire de calcul. Elles n’ont cherché ni à occuper une place vacante, ni voulu rejoindre le devant de la scène par goût pour la compétition victimaire. Elles ont simplement fait ce qu’elles ressentaient dans leur chair, sans que ni les politiques de la capitale ni personne d’autre ne leur suggèrent. Ainsi, elles ont instinctivement songé à la mémoire de toutes les victimes du terrorisme sur le sol français, mais aussi des victimes françaises à l’étranger.

Paris, Nice, Marseille, Magnanville, Trèbes tout autant que le Caire, Mombassa, Médine… partout où cette indicible terreur a fait couler du sang. Il s’agirait autour de la mémoire des victimes du terrorisme d’un centre de documentation et d’études scientifiques à forte teneur pédagogique pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation. Les victimes avaient compris qu’une guerre efficace contre ce fléau se déroulerait sur le long terme afin d’appréhender le problème dans toute sa complexité. Alors que des politiques de la capitale accompagnent de telles démarches, bien entendu, c’est tout à fait leur rôle. Nous ne chercherons jamais à délégitimer leurs fonctions. Que ces politiques soutiennent les actions mais le fassent depuis Paris, aucun problème, c’est tout à fait compréhensible. Les provinciaux savent pertinemment que les calendriers se pensent depuis là-haut. Que ces politiques récupèrent certaines de leurs idées sans les consulter, passe encore. Les victimes ont conscience de se battre pour une cause nationale plus importante que les bonnes manières.

Mais se faire intégralement spolier des projets dont le message et le sens sont dénaturés lorsqu’ils sont portés hors de la ville où ils ont pris racine, c’est trop.

C’est trop parce que des messages de vie, de tolérance, de fraternité, de pardon et de résilience endurés et conçus par des personnes directement concernées se font altérer par un Comité mémoriel parisien de circonstances, étranger au fond de la démarche.

C’est trop, parce que c’est injuste et contre-productif pour l’ensemble des luttes contre le terrorisme conduites à travers le pays.

En effet, le Mémorial-Musée, rebaptisé en l’espèce par le comité mémoriel parisien Musée-Mémorial (sic) a été imaginé dès janvier 2017 par des personnes issues de la société civile personnellement touchées par l’attentat du 14 juillet 2016. Très tôt et à plusieurs niveaux, les Niçois se sont organisés. La ville a voté en novembre 2017 une résolution pour faire appel à un bureau d’étude chargé de définir le concept, la dénomination et établir un cahier des charges sur la question. Un groupe de travail, « projet de centre d’information et de documentation sur la radicalisation et le terrorisme », composé, entre autres, de représentants des fédérations nationales de victimes du terrorisme (MONJOYE, AFVT, FENVAC) conçoit le contenu qui serait proposé. De plus, Nice a toutes les caractéristiques nécessaires pour être à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme. Elle compte parmi les grandes métropoles du pays et de la Méditerranée. Elle est un point de convergence, un lieu naturel de dialogue entre les cultures et les religions de la Grande Bleue. La capitale azuréenne, terre d’épanouissement de personnalités remarquables ayant apporté des contributions importantes dans le domaine de l’art, de la musique et de la littérature, rayonne à travers le monde comme lieu de villégiature incontournable.

Charnier d’une des plus importantes attaques de ces dernières années sur notre territoire, touchant des familles entières et de nombreux enfants, impactant 19 nationalités différentes (sanglante illustration du cosmopolitisme de la métropole), en une journée ô combien symbolique, elle se doit aujourd’hui de devenir le porte-étendard d’une lutte renouvelée contre le terrorisme, basée sur l’éducation et la prévention. La déclaration de Nice œuvre déjà dans ce sens. Prononcée en septembre 2017 par les maires des grandes villes méditerranéennes et européennes, elle engage officiellement ses signataires en faveur de la prévention contre l’extrémisme violent et la sécurisation des villes en Europe et autour de la Méditerranée.

Ces vies injustement volées à Paris, Nice, Marseille, Trèbes, Magnanville, Le Caire, Médine et au-delà doivent faire résonner l’Espoir et l’Espérance. Au nom de la culture de notre pays et donc de notre futur commun, les associations nationales et locales de victimes du terrorisme et les fédérations nationales doivent mener ensemble une guerre contre l’obscurantisme de la pensée. Aujourd’hui le bassin méditerranéen, berceau de nombreuses civilisations souffrant du cancer du terrorisme peut être repensé comme épicentre d’une renaissance, et les victimes, à l’initiative du Mémorial-Musée, doivent rester le fer de lance et non le faire-valoir de ce projet.

Parce que dignes et soudés, nous serons plus forts pour mener les combats de demain, laissons naître le Mémorial-musée là où il a été conçu. C’est à Nice, terre d’immigration maghrébine et subsaharienne, que se trouve sa place. Donnons aux territoires provinciaux le droit d’accueillir des lieux d’envergure nationale.

 

 

 

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