La Promenade des négligés
Le 14 Juillet 1789, le drapeau français s’imbibait d’un peu de son rouge, coulant des plaies d’une nation qui voulait être entendue. Cette naissance dans la douleur d’un nouvel ordre, ne faisait que répéter une nouvelle fois la beauté tragique de ce pays. Le 14 Juillet 2016 est une tragédie sans beauté, si ce n’est celle des âmes fauchées aveuglément.
D’un siècle à l’autre, il s’agit du même drapeau, messieurs les républicains, du même rouge, messieurs les élus, du même sang, messieurs les français. Il s’agirait de ne pas l’oublier.
N’oubliez pas que le sang versé injustement sur notre sol, prend toujours la même teinte, celle d’une mémoire commune qui se renforce. À chaque épisode de souffrance, la France se réinvente, et devient elle-même, une nouvelle fois, pour peu que ses cris soient entendus. Entendez-les.
N’oubliez pas que, de la Vendée à la Savoie, notre mémoire s’enracine sur nos terres pour ne plus pouvoir être arrachée à son destin. Nous donnons à nos bâtisses, le soin de dépasser les générations. Nous, citoyens, sommes investis dans nos monuments, au delà de leur attrait touristique. Faîtes sculpter vos gloires personnels dans vos jardins, mais laissez nous les plages qui ont vu mourir nos enfants. Retrouvez le sens du service à notre pays, républicains.
N’oubliez pas que lorsqu’un enfant de la France meurt, c’est tout un peuple qui le pleure, ému par la perte de cette inestimable richesse. Ce qui s’est passé est d’une violence inouïe. Ressaisissez vous, élus.
N’oubliez pas que La France est avant tout une idée et qu’il faut la défendre en tant que telle. Cette idée fait notamment que vos mandats n’auront jamais plus de poids que l’efficacité de vos services. Vos services consistent notamment à suivre les principes de la République et à assumer vos responsabilités d’élus. Soyez-donc responsables.
N’oubliez pas et comprenez. Comprenez que si la Promenade des Anglais ne respectaient pas ses morts, elle deviendrait celle des négligés. Comprenez que ces moments charnières de l’histoire vont bien au delà des calculs électoraux. Comprenez que cela vous dépasse. Comprenez aussi que nous sommes fiers d’être français, parce que nous avons appris à accepter notre propre finitude.
Nous nous adressons aux petits français de demain, qui vous surveillent déjà. Nous ne les connaîtrons pas, mais ils comprendront, eux, ce que nous voulions leur dire.
Ils comprendront que la France a su être forte en dressant un monument sur le tracé de cette abomination. Ils comprendront que l’horreur a eu une réponse digne et appropriée, celle de français debout.
Levez-vous avec nous, citoyens.
Ne cachons pas notre monument aux morts sur la colline du château. Montrons-le aux peuples de la terre entière, qu’ils comprennent notre intransigeance. Dressons quelque chose de beau face à la mer, au dessus des atrocités de notre temps. Soyons français et réunis.