Cindy Pellegrini et Anne Murris sont deux victimes de l’attentat de Nice – Cindy a perdu six membres de sa famille, et Anne, sa fille Camille. Elles étaient deux porte-parole de Promenade des Anges. Elles viennent de la quitter pour créer « Mémorial des Anges », une association loi 1901 dont le nom ne recouvrait jusqu’alors que la page Facebook (1). Elles entendent ainsi soutenir le projet d’un centre de la mémoire pour les victimes des attentats.
« Il était temps de séparer les choses. Que chacun se concentre sur ce qu’il pense pouvoir réaliser », résume Cindy. Jusqu’ici, elle et Anne participaient au pôle mémoire de Promenade des Anges. Leur premier combat s’est porté sur le choix du site pour une stèle commémorative. La promenade des Anglais a été retenue. Son emplacement exact reste encore à déterminer.
Entretemps, Anne Murris et Cindy Pellegrini ont lancé un autre projet de mémorial dédié aux victimes. Un musée, cette fois. L’idée a obtenu l’aval des élus locaux, et même du président Macron. Mais l’idée n’a pas fait consensus à Promenade des Anges. « Nous avons des visions très différentes de la mémoire, même si je respecte la leur », explique Anne Murris. Ces « divergences de vues » ont conduit à la démission des deux femmes, de Philippe Murris et de Marek, auteur du texte bouleversant lu place Masséna, le 14 juillet dernier.
Créée en janvier 2018, l’association « Mémorial des Anges » a pour vocation de « travailler à la mémoire des victimes d’attentats. Pas seulement celui de Nice, mais aussi les victimes sur le sol français, et les victimes françaises à l’étranger », résume Anne Murris. L’association entend contribuer à la création d’un mémorial à Nice, d’une fondation, d’honorer la mémoire des disparus. Mais aussi « lutter contre le terrorisme et la radicalisation », « rendre hommage aux primo intervenants » et « mener des actions pédagogiques dans les milieux éducatifs ».
À quoi ressemblerait ce centre de la mémoire ? Le conseil municipal de Nice a validé, fin octobre, le recours à un bureau d’étude afin d’établir un cahier des charges. Anne Murris rappelle les pistes envisagées : portraits personnalisés des victimes, exposition d’objets et peluches déposés sur la Prom’, tableaux interactifs, flamme de l’espoir…
« On ne veut pas que ce soit larmoyant. On veut qu’il y ait de la vie. Montrer que cette vie n’a pas de prix », insiste Anne Murris. Pour Cindy Pellegrini, ce devoir de mémoire est essentiel. « Il ne faut surtout pas oublier ce qui s’est passé. C’est très important de sensibiliser les nouvelles générations. Car cette page de notre Histoire n’est pas encore tournée. »
Les deux femmes ont soumis l’idée de ce centre de la mémoire à Emmanuel Macron, lors des commémorations du 14 juillet dernier. « Le Président a semblé très intéressé », sourit Anne Murris. Pure politesse, lui ont rétorqué certains. Mais Nicole Belloubet, la garde des Sceaux, a confirmé l’intérêt bien réel manifesté par le chef de l’État.
Gros bémol, pour Anne Murris : Emmanuel Macron se serait montré embarrassé quant au choix de Nice. « Nous lui avons expliqué qu’on devait le faire ici », insiste cette maman endeuillée. La dimension nationale du 14 juillet, ou la proximité de la Méditerranée, « trait d’union entre Orient et Occident », plaident en faveur de ce choix. Le galet niçois tricolore, entrevu sur le bureau d’Emmanuel Macron lors d’un entretien télévisé, montre que le Président n’oublie pas le drame de Nice.
La Fondation de France, l’Office national des anciens Combattants, l’Association française des victimes du terrorisme ont manifesté leur souhait de participer au projet. Pour l’heure, la toute jeune association débute sans subsides, contrairement à Promenade des Anges. Elle espère fédérer rapidement de nouveaux adhérents. Elle lance un concours photo ouvert à tous, afin de réaliser un catalogue de 100 photos au bénéfice de l’association et une exposition des plus belles photos. Le thème : « Vivre au-delà de nos différences »…