Le devoir de mémoire portée par une nouvelle association

Notre nouvelle association a pour projet un mémorial-musée. Ce serait un centre de mémoire et de lutte contre la radicalisation inspiré de celui du 11 septembre à New York.
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Deux ans après l’attaque meurtrière au camion,Cindy Pellegrini, qui a perdu six membres de sa famille, confie combien son traumatisme reste présent au quotidien.

Cindy Pellegrini a 36 ans. Le 14 juillet 2016, sa famille a été décimée par l’attaque au camion. Cette juriste de formation a perdu six proches : son frère Michaël (28 ans), sa maman Véronique (55 ans), ses grands-parents Christiane et François (78 et 82 ans), et les parents de son beau-père Gisèle et Germain (63 et 68 ans). Pendant que sa famille était sur la promenade des Anglais pour assister au feu d’artifice, elle était chez elle en Lorraine.

Comment allez-vous deux ans après ce drame qui a bouleversé votre vie ?

CINDY PELLEGRINI. C’est encore très compliqué. Même si je n’étais pas présente sur les lieux, j’ai toujours les images de l’annonce du drame en tête. Je vais mal, mais je suis là. Eux sont partis, c’est à eux qu’il faut penser en priorité, pas à moi. Le traumatisme sera toujours là. Pour le surmonter, parfois je me dis qu’ils sont simplement partis en vacances, surtout cette année où j’étais enceinte, il fallait absolument que je me préserve pour éviter de pleurer constamment.

Que ressentez-vous envers celui qui a causé la perte de votre famille ?

C’est peut-être banal de dire cela, mais j’ai tellement de peine que je n’ai pas de place pour la haine. Je n’ai pas le temps d’y penser. J’ai perdu tellement de personnes, que je pense sans cesse à elles. Ce qui revient à chaque fois, c’est : « Pourquoi nous ? Pourquoi six personnes de la même famille ? » Je me pose ces questions, mais j’ai une réponse. Nous étions une famille très soudée, on faisait tout ensemble. J’étais avec eux à Nice, la semaine précédente… On dit que le temps apaise les choses mais ce n’est pas vrai. Le manque grandit, il devient de plus en plus important.

Vous allez participer aux commémorations à Nice, comment les abordez-vous ?

Cela va être très difficile. Depuis le début du mois, je me coupe de tout, je ne regarde plus rien de peur de tomber sur des images choquantes. Dernièrement à la télé, je suis tombée sur une bande d’annonce d’une émission qui évoquait les chocs post-traumatiques, avec, en illustration, le camion. Je n’ai même pas eu le temps de changer de chaîne, je me suis effondrée avec mon bébé dans les bras. On ne pense pas aux victimes dans ces moments-là.

Très rapidement après le drame, vous vous êtes engagée au sein de l’association Promenade des Anges, avant de la quitter début 2018 pour en créer une autre, Mémorial des Anges. Pourquoi ?

Dans ce type d’attaque de masse, et c’est là le problème, on ne peut pas être en adéquation avec tout le monde. Entre victimes, nous n’avons pas les mêmes attentes car nous avons des histoires différentes. Avec mon amie Anne Murris ( NDLR : qui a perdu sa fille Camille dans l’attentat ), nous souhaitons nous investir dans le devoir de mémoire. Notre nouvelle association a pour projet un mémorial-musée. Ce serait un centre de mémoire et de lutte contre la radicalisation inspiré de celui du 11 septembre à New York. Il y aurait plusieurs salles, dont une consacrée aux portraits des victimes. Et surtout il s’agit d’en faire un lieu d’études, pour des colloques internationaux sur le sujet, puisque aucun lieu de ce type n’existe actuellement.

Ce projet a-t-il eu des échos ?

Nous l’avons présenté en juillet 2017 à Emmanuel Macron qui s’est montré très sensible. Ensuite, c’est la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a pris le relais. Elle a installé un comité mémoriel afin de réfléchir à la mémoire des attentats en France, et a pris en compte notre projet. Nous avons aussi le soutien de la mairie de Nice et du département avec Christian Estrosi et Éric Ciotti, ainsi que celui de la Fondation de France. Il faut que ce mémorial éveille une réflexion pédagogique. En revanche, nous insistons sur le fait qu’il soit à Nice, car c’est l’attentat qui a attaqué les valeurs de la République ce 14 juillet. Nice aussi, parce que la région concentre beaucoup de radicalisés, où l’endroit le plus lumineux de la ville est devenu le plus atroce. On va prendre le temps de faire ce mémorial, et on se battra jusqu’au bout.

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